Atteindre le haut-niveau dans le sport ne s'improvise pas. Il est une affaire de volonté et d'acharnement, en outre du talent et de la chance. Delgado Duarte et Marcos Pinto, 29 ans et 25 ans, natifs du Portugal, sont tombés très vite dans cette exigence pour jouer au plus haut niveau dans leur sport en Espagne et au Portugal. Ils ont posé leurs valises remplis de crosses et casques dans le Sud-Finistère. A Plonéour-Lanvern (N2M) pour Duarte Delgado, depuis l'intersaison sur un rôle d'entraîneur-joueur et depuis un an pour Marcos Pinto à Ergué-Gabéric, avec son camarade, Ricardo Antunès. Parfaitement acclimatés, ils sont déjà très ambitieux pour leurs clubs.

Duarte Delgado, à Plonéour-Lanvern, et Marcos Pinto, à Ergué-Gabéric, ont quitté le Portugal pour vivre leur passion du rink-hockey, dans le Sud-Finistère. Crédit photo : Fanch Hémery

Avoir un regard extérieur sur sa situation actuelle présente l'avantage de porter une neutralité sur un jugement et de poser les bases sur son développement futur. Au Portugal, le rink-hockey est un sport très populaire et traditionnel, qui fait graviter une passion partagée par des milliers de personnes. En France, celle-ci est plus diffuse et marquée par des graviers clubs sur la carte. La Bretagne avec Quévert, Saint-Brieuc, Ploufragan, Ergué-Gabéric, Plonéour-Lanvern est extrêmement bien lotie en clubs de haut niveau. Le Sud-Finistère est un département moteur dans le rink hockey avec deux clubs à haut niveau: Ergué-Gabéric, promu en N1M et Plonéour-Lanvern, leader en N2M. Leur expérience passée malheureuse, dans l'élite du rink, leur a fait comprendre une donnée. La formation-maison ne peut suffire à ce niveau. Pour réussir et pérenniser le club en N1M, il faudra passer par des renforts de joueurs étrangers de talent.
Ergué-Gabéric, avec l'Argentin, Javier Medina, avait été les premiers à passer à l'acte face à ses paroles, avant les Portugais, Marcos Pinto, Ricardo Antunes et le Catalan Miguel Sanchez. Plonéour-Lanvern a emboîté la crosse avec les Argentins, Marcos Alameida, le chat-volant dans les cages et Andrès Sillero. Tous ces renforts ont bonifié le niveau de base des autres joueurs de l'équipe. Leur mentalité dégagée est également différente.
" Notre éducation est poussée vers le travail et la culture tactique. L'entraînement est une donnée fondamentale. Etre pro signifie la ponctualité, l'expérience, le travail et la volonté. Quatre éléments sur lesquels on ne transige pas. Après ou avant, on peut rigoler. Mais un entraînement, un match, il faut être sérieux. Mes premiers entraînements, à Ergué-Gabéric, ont été difficiles. Je ne retrouvais pas cette exigence du haut niveau. Cette année, nous nous sommes beaucoup améliorés et nous commençons par avoir des résultats. Il faudra encore faire plus. Si nous voulons accrocher les six premières places, nous devons passer à quatre entraînements par semaine. Il y'a un débat dans l'équipe.", précise Marcos Pinto.
Recruté en tant qu'entraîneur-joueur, à Plonéour-Lanvern, Duarte Delgado ne m'est pas sans rappelé un certain Daniel Costantini, l'entraîneur de l'équipe de France de handball de la génération des Barjots et des Costauds, champion du monde en 1995 et 2001. Les mots choisis sont les mêmes, le constat pour arriver au top niveau est similaire. Intervenu dans une conférence-débat à Trégunc, au printemps dernier, Daniel Costantini avait fait partager son expérience de prise en charge d'une équipe de 3ème niveau Européen jusqu'à l'amener sur le toit du monde. " Nous avions l'habitude d'affronter dans les années 70 des équipes d'Europe de l'Est, convaincu que notre seul talent nous suffirait pour gagner. Comment peut-on gagner quand on cumule 300 heures de handball dans l'année alors que les autres en font 900 heures? C'est juste une question de mathématique et de logique avant d'être un constat sportif".
" Il faut changer les mentalités"
Duarte Delgado pointe également une approche similaire. Plonéour-Lanvern a vraisemblablement touché le gros lot en misant sur ce profil d'entraîneur-joueur. " Il faut changer les mentalités et faire acquérir une culture tactique importante aux jeunes, à 13, 14, 15 ans. Au Portugal, notre succès vient de notre organisation. Les clubs Français ont beaucoup d'atouts car ils sont financièrement sains. On ne manque de rien pour bien travailler. Par contre, dans les structures, ce n'est pas bon. Physiquement, dans la qualité de patinage, les Français sont meilleurs que les Portugais. Tactiquement, techniquement, il y'a beaucoup de travail à faire. J'observe déjà un changement de mentalité. Dans les horaires, le travail, la planification d'une semaine complète d'entraînement à l'avance. Tous ces détails font que nous avons cinq points d'avance en championnat en étant invaincu à mi-saison. La chance n'existe pas. La chance, c'est du travail et une culture du haut-niveau", avant de poursuivre. " Plonéour-Lanvern possède des bons jeunes, qui peuvent passer le cap du haut-niveau: Guillaume Cochou, Thomas Le Berre ou Paul Corlay. Nous ne pouvons avoir que des joueurs étrangers dans l'équipe. Le maximum est 4 ou 5 joueurs, avec des joueurs locaux. La formation doit être la priorité. Amener des jeunes en équipe première est ma mission. Arriver à faire le bon choix dans des 2 contre 3, 1 contre 2. Développer une culture de travail tactique et d'organisation défensive et offensive. Le potentiel est là, maintenant, il faut travailler pour arriver au top".
Marcos Pinto, après son retour de suspension de plusieurs mois, a fait le plus grand bien au collectif Gabéricois, par son abattage physique et son talent de défenseur, assurément un des tous meilleurs en France, en N1M. Parfaitement intégré à la vie Quimpérois, la "saudade" (nostalgie) n'est même pas ressentie. " C'est forcément dur de quitter les amis, la famille, la copine. Je me sens très bien, à Ergué-Gabéric. je me suis très bien intégré à l'équipe et à la vie Française. Je me sens même Français. Ma vie, c'est la France! Nous avons un rôle de leader dans l'équipe. Nous sommes là pour pousser les jeunes joueurs Français à être meilleurs. Je parle beaucoup aux jeunes d'Ergué comme Pierre Lucas (très bon aux entraînements mais qui se met un peu trop de pression en match), Benoît Fouillard. S'ils sont sérieux et prennent le rink avec exigence, ils progresseront vite! On les pousse tous les jours à être meilleurs. Nous sommes élevés dans cette culture au Portugal. Dès 12/13 ans, nous faisions quatre entraînements par semaine. Pour nous, c'est naturel. Le rink, c'est sérieux et important!".
Avec de tels éléments moteurs et positifs dans la vie d'un, groupe, Ergué-Gabéric et Plonéour-Lanvern se rapprochent de l'élite mondial. Classé respectivement 173ème et 118ème club sur le planisphère du Rink mondial, les deux clubs ont l'ambition de grimper encore dans les années futures. Ils veulent s'installer dans la durée en N1M. Ergué-Gabéric est en passe d'assurer le premier maintien de son histoire dans l'élite. Plonéour-Lanvern devrait accéder en fin de saison, et rejoindre les Gabéricois à cet étage en 2014/2015. Les derbys se promettent enflammés, embrasés d'un "churasco" (barbecue) de cette péninsule Ibérique, dont les braises vibrent pour le rink-hockey.
Christophe Marchand